En ce début du XXIe siècle la déconsidération de la linguistique structurale et le déclin des grandes écoles linguistiques confirment l’échec des approches qui prétendaient saisir et expliquer le fonctionnement des langues à partir d’un corps centralisé d’hypothèses et de mécanismes purement inhérents à la langue. Cette perte de prestige des grandes théories linguistiques va de pair avec la multiplication des recherches dans des domaines parallèles et la prolifération des points de vue sur le langage.
L’étude des langues se développe par ailleurs de plus en plus dans des aires de recherche diversifiées, que l’on pourra concevoir comme autant d’angles d’attaque, comme autant de points de vue posés sur l’objet d’étude. Sans prétendre à l’exhaustivité, relevons entre autres :
- l’étude de la constitution, et de l’évolution de systèmes linguistiques dans l’histoire ;
- l’examen des conditions pragmatiques d’emploi des formes langagières dans des contextes spécifiques ;
- la construction du sens discursif et de la signification linguistique ;
- la prise en considération, dans ses multiples dimensions, de la variation individuelle et collective dans l’emploi social d’une langue, ainsi que des situations de contact avec d’autres langues ;
- le développement de modèles cognitifs et contextuels permettant de rendre compte du traitement et de la production d’énoncés ;
- l’analyse du processus d’appropriation d’une L1 et d’une L2 ;
- l’analyse des pratiques didactiques et l’exploration des procédures les plus efficaces pour enseigner la langue et pour motiver les apprenants ;
- l’élaboration de programmes de traitement et d’analyse automatique des données langagières ainsi que d’enseignement des langues assisté par ordinateur (ELAO).
Le foisonnement de ces différentes aires, de ces différents points de vue représente fondamentalement une richesse car il offre une opportunité de ressourcement pour la réflexion sur le fonctionnement de la langue. Le danger toutefois réside dans une progression autarcique dans les différentes aires de recherche sur des lignes parallèles de sorte que des avancées théoriques et méthodologiques réalisées dans un domaine ne sont pas discutées et intégrées dans les autres.
Dans ce contexte, la plateforme Gramm-R se donne pour objectifs :
a. au niveau scientifique :
- de promouvoir les efforts visant à confronter les données et les observations des recherches centrées sur le système langagier à celles des travaux explorant d’autres aires de recherche sur le fonctionnement de la langue dans des contextes spécifiques : l’aire de l’acquisition, l’aire de l’enseignement/ apprentissage, l’aire de la variation diachronique, diatopique, diastratique, etc. ;
- de favoriser la diffusion des réflexions théoriques et méthodologiques qui exploitent la complémentarité des résultats entre ces différentes aires interdépendantes d’étude de la grammaire d’une langue, comme par exemple l’impact des modèles psycholinguistiques sur le traitement de nouvelles données langagières ou sur les procédures d’acquisition du français L1 et L2 par un apprenant (le développement de son ‘interlangue’) ou encore l’influence des travaux sociolinguistiques concernant la variation sociale ou l’émergence des créoles sur la modélisation linguistique du français ;
- d’établir un pont entre réflexion et pratiques linguistiques, entre visée théorique et application à des situations langagières concrètes, entre modélisation et développement d’outils linguistiques spécifiques (grammaires, didacticiels, ….)
b. au niveau organisationnel
Coordonner les forces et les projets sur le plan
- de la mise en contact de chercheurs provenant de ces divers horizons ;
- de la proposition de projets sur des thèmes communs ;
- de la stimulation d’orientations de recherches communes.
Cette action se déploie sur le long terme, tant pour ce qui est des collaborations qu’elle envisage au niveau national et international, qu’en ce qui concerne la méthodologie.
Que l’initiative pour un tel réseau naisse en Belgique ne s’explique sans doute pas seulement par la célèbre tradition linguistique et philologique belge (Delbouille, Goosse, Grevisse, Hanse, Henry, Pohl, Wilmet, …). Cela trouve aussi et surtout sa justification dans un contexte linguistique particulier qui a favorisé l’étude du français en tant que langue maternelle, première, seconde et étrangère.
c. au niveau financier
Générer progressivement, d’abord de façon indirecte (colloques, projets, …) et ensuite de manière directe des fonds permettant de garantir un fonctionnement financier continu de la plateforme de recherche.
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