organisé par Pascale Hadermann (UGent), Michel Pierrard (VUB), Audrey Roig (ULB), Dan Van Raemdonck (ULB-VUB). Réseau de recherche Gramm-R.

L’ellipse, qui désignait à l’origine un cercle « imparfait », aurait, selon le TLFi, fait son entrée en linguistique française au début du XVIIIe siècle pour désigner « l’omission d’un ou plusieurs mots dans un énoncé dont le sens reste clair ». Qui parle d’omission s’appuie implicitement sur un modèle préexistant de l’énoncé bien formé, dans lequel se seraient opérés des effacements de constituants syntaxiquement et/ou sémantiquement redondants. Et c’est là que surgit déjà un premier problème lié à la notion d’ellipse : est-elle motivée en syntaxe ou en sémantique ? Plusieurs recherches ont été consacrées à cette question et la plupart d’entre elles s’accordent pour traiter l’ellipse comme un processus qui opère à l’interface syntaxe – sémantique. Dans des approches génératives par exemple, le recours à l’ellipse est nécessaire pour sauvegarder l’uniformité des structures syntaxiques : grâce à l’ellipse, une séquence non canonique en surface peut être interprétée comme canonique en structure profonde (Pierre mange une pomme et Marie aussi proviendrait de Pierre mange une pomme et Marie mange aussi une pomme). De plus, dans ce type d’approche, on préconise l’idée de la convergence entre structures syntaxiques et représentations sémantiques : le même sens (véhiculé par Pierre mange une pomme et Marie aussi et Pierre mange une pomme et Marie mange aussi une pomme) se projette toujours sur la même forme syntaxique (Hankamer et Sag 1976).

Or, il a été démontré, entre autres par Lyons (1978), qu’il ne faut pas confondre ce qui est complet du point de vue grammatical et ce qui est complet du point de vue du contexte. Dans le cas de modèles linguistiques qui partent de structures canoniques, il est relativement facile de déterminer l’absence de constituants du point de vue syntaxique. En revanche, il n’en va pas de même au niveau sémantique, où il est difficile d’identifier le « non-dit » ou encore « l’implicite », notions qui font inévitablement appel à des mécanismes inférenciels (Kehler 2000). Dans des études plus récentes, se développe par conséquent une tendance à impliquer également la composante informationnelle dans le traitement de l’ellipse et à relier celle-ci à la présence d’informations « données » (givenness marking : Winkler 2005). Cette information donnée est indissociablement liée à l’accessibilité cognitive et aux enjeux coénonciatifs : plus un référent est cognitivement actif et donc disponible dans la représentation mentale de l’interlocuteur, plus il se prête à être atténué dans le discours, entre autres par le biais d’ellipses. La prise en compte de la composante informationnelle permettrait ainsi de faire le pont entre la grammaire de la langue (syntaxe et sémantique), d’une part, et les processus cognitifs, d’autre part.

À côté de ces théories qui ne remettent pas en question le bien-fondé de la notion d’ellipse (et qui prévoient donc implicitement un modèle canonique de structuration discursive), nous voyons surgir des analyses qui rejettent son existence. Ainsi Culicover et Jackendoff (2005) estiment qu’il suffit de prévoir l’existence de « fragments » pour expliquer le fonctionnement de Jean viendra et Marie aussi, qui s’analyserait en Jean viendra et [[Marie]SN [aussi]adv]Ph, c’est-à-dire une proposition coordonnée avec un fragment constitué d’un SN et d’un adverbe, fragment qui ne nécessiterait pas de reconstruction syntaxique mais bien une reconstruction sémantique. Selon Culicover et Jackendoff, l’interface syntaxe – sémantique ne doit pas nécessairement être congruente et les structures d’énoncés ne sont pas forcément uniformes.

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